Certaines tumeurs buccales ne peuvent être traitées par avulsion large (maxillectomie, mandibulectomie) soit en raison du refus du propriétaire, soit en raison de leur accessibilité. D'autres, sont faiblement radiosensibles. Ces raisons nous ont amené à envisager la mise en place de dispositifs à relargage d'agents chimiothérapiques sur les sites opératoires d'exérèse chirurgicale des masses tumorales.
Aprés exérèse de la masse tumorale, un cube d'os déspécifié du volume le plus adapté à la cavité d'exérèse, est introduit en force dans la cavité pour obtenir le maximum de stabilité du greffon. L'agent chimiothérapique est appliqué à la seringue par absorption sur la trame poreuse.
Les tumeurs les plus fréquemment traitées furent les fibro sarcomes. Elles représentent sur une période de 3 ans la majorité des tumeurs maxillaires rencontrées (mélanomes et carcinomes viennent en 2° et 3° position en terme de fréquence).
L'étude rétrospective de Rechiqua (European congress of vet. Dentistry 2008) montre que sur 152 analyses de néoplasies de la cavité orale, 51 sont malignes. Parmi ces tumeurs malignes, les fibrosarcomes représentent 35 % des cas,les mélanomes 51 %, et les carcinomes 10 %. Si l'on s'intéresse uniquement aux tumeurs du maxillaire et des tissus durs les fibrosarcomes prédominent.
C'est cette dernière catégorie de tumeur qui a été l'objet d'essais thérapeutiques par mise en place d'implants poreux relargant l'agent chimiothérapique.
Cas clinique N°1 : fibrosarcome sous alvéolaire sur un setter gordon (né en 1995)
Présentant une déformation unilatérale en partie rostrale du maxillaire droit. L'alvéole de la canine droite parait "soulevée". Elle est douloureuse à la pression. La sonde parodontale pénètre sur plus d'un cm en mésio-lingual.
Un lambeau pour alvéolotomie (distal par rapport à la canine) permet de découvrir une lésion tumorale sous la canine, dans la partie interne de l'alvéole et se prolongeant apicalement. L'examen anatomopathologique a montré l'existence d'un fibro sarcome trés invasif.
Sur cette image (aprés retrait de la canine) la tumeur blanchâtre est visible sur le plancher de l'alvéole : son développement s'est fait également en direction apicale avec effondrement de l'os en regard des cavités nasales et pénétration d'une partie de la néoplasie dans ces cavités.
La portion de tumeur retirée des cavités nasales.
Le site opératoire aprés exérèse des masses tumorales. Les cornets nasaux sont visibles en fond de cavité.
Le lambeau de recouvrement suturé à points séparés en fin d'intervention.
Après résection tumorale un cube d'os déspécifié est retaillé aux dimentions de la cavité, il est introduit dans la cavité d'exérèse et imbibé d'adriblastine : la dilution utilisée permet d'absorber 5 mg sous un volume de 1 ml.
D'une façon générale, les volumes utilisés oscillent entre 0,5 ml (2,5 mg) et 1 ml (5 mg) en fonction de la taille de l'implant.
Antibiothérapie classique et meloxicam.
La tolérance locale a été excellente. Pas de nécrose des tissus environnants.
Suivi : 3 ans après la première intervention, et 20 mois aprés la pose du greffon (le cube d'os implanté n'a pas été retiré).
Une tuméfaction "osseuse " trés dure, indolore est visible sur le cliché. La masse indurée est nettement en position dorsale externe (sur le chanfrein).
Radio (RVG ) à 3 ans, soit 20 mois après la xenogreffe (voir cliché ci-dessus), confirme l'expansion "osseuse" du processus néoplasique avec cette image en "buisson" caractéristique des sarcomes.
Sur le plan fonctionnel le chien n'a aucun problème. La tuméfaction est indolore. La rémission (partielle) est de 3 ans .
Réintervention en janvier 2009 soit 25 mois après la 1° xenogreffe : la masse quoique indolore a augmenté de volume (de la taille d'une petite orange), elle est très dure et la décision d'une nouvelle exérèse est prise.
Une vue de la masse (7X5X4) aprés exérèse.
3 semaines aprés la dernière intervention (photo transmise par le propriétaire : vue extèrieure du museau)
(photo transmise par le propriétaire :vue intérieure sous la babine)
Le meme chien 4 ans aprés la première intervention; la lésion est stable par rapport au cliché ci dessus pris un an avant.
Cas clinique N° 2 : pointer de 8 ans. Opéré en 2004 pour un sarcome à cellules étoilées
Nouvelle récidive en 2007, soit un an après la seconde intervention. Nouvelle chirurgie après lambeau d'accés large et mise en place d'un cube d'os déspécifié avec adsorption de 5mg d'adriblastine pour un volume de 1 ml.
Antibiothérapie, meloxicam.
La tolérance locale a été moyenne avec une inflammation sévère pendant 10 jours . Pas de nécrose.
Suivi :
Décembre 2008 : aucune récidive locale 19 mois après la mise en place du greffon qui a été laissé. Pas de tuméfaction locale . La rémission est actuellement complète.
Ci dessus cliché aimablement transmis par le propriétaire (dec.2008)
Cas clinique N° 3 : cocker anglais femelle de 9 ans
Référé en avril 2007 pour une récidive de tumeur centrée sur la canine supérieure gauche (fibro sarcome). La première intervention remonte à un an .
Antibiothérapie (spiramycine).
Suivi :
Decembre 2008 : soit 19 mois aprés la pose de l'implant osseux et 17 mois aprés sa dépose, pas de récidive. Résultat fonctionnel excellent. Pas de tuméfaction sur le site opératoire.
post op. immédiat
Le bloc osseux est imbibé d'adriblastine (5 mg) , puis le site opératoire est refermé.
Cette même technique a été utilisée dans le cas ci dessous pour traiter une récidive de fibrosarcome félin.
L'agent chimiothérapique fut le cisplatyl.
Ci-dessus une vue de la tumeur quelques mois aprés la première intervention dont la cicatrice est encore visible. La tumeur est bilobée et mesure 8cmX 4 cmX4 cm.
Un cube d'os déspécifié est placé sur le site de 2° intervention .Il est imbibé de Cisplatyl
( 3mg dans 1 ml ).
Des sutures à points séparés permettent de recouvrir l'implant avec du conjontif sain. L'implant est encore visible entre deux sutures.
Suture cutané en "Y" (surjet).
Un cliché à 4 semaines , le "cube" est visible il est toujours bien toléré à ce stade de l'évolution.
Cliché à 4 mois aprés la dernière intervention .