Un chien labrador de 12 ans est amené en consultation de référé pour des saignements buccaux apparus depuis plusieurs jours. Le chien va très bien, mange normalement mais les propriétaires rapportent des difficultés pour boire. Le chien joue normalement et n'a pas perdu son entrain.
En consultation, le chien a un examen clinique général normal si ce n'est une légère tuméfaction du nœud lymphatique rétro-mandibulaire gauche.
L'examen buccal ne révèle aucune anomalie dentaire par contre une plaie importante au niveau de la langue est identifiée côté gauche juste crânialement au frein lingual. Les bords de la plaie linguale ne sont pas net et le tissu interne de la plaie semble différent à du muscle lingual. Les propriétaires ne rapportant aucun contexte traumatique, l'hypothèse de section par morsure accidentelle semble peu probable.
Le chien est placé sous anesthésie. l'examen complet de la langue révèle la présence au sein de la plaie et au niveau de sa périphérie d'un tissu d'induration muriforme, avec à la base du frein labial une masse plurinodulaire. Une cytoponction de celle-ci évoque plutôt un phénomène carcinomateux. La ponction du nœud lymphatique rétro-mandibulaire gauche n'évoque aucun critère d'infiltration métastatique.
L'hypothèse d'un carcinome lingual est posé. Le pronostic est sombre face à ce type de néoplasie, vue le caractère agressif du processus et sa localisation. Les propriétaires sont désireux de soulager leur chien. Une approche chirurgicale conservatoire est alors proposée.
Le chien est anesthésié et placé en décubitus latéral droit. La gueule est maintenue par un pas d'âne en position ouverte. La masse est retirée via l'utilisation d'un bistouri électrique. cette technique apporte deux avantages :
- la cautérisation des petits vaisseaux permettant de limiter le saignement local
- la cautérisation des tissus permettant de bruler d'éventuelle cellules néoplasiques en limite d’exérèse. en effet, de part la localisation de la masse il est impossible sauf amputation quasi complète de la langue de réaliser une exérèse en marge seine
Avant fermeture du site chirurgical pas des points simples, une membrane biocompatible imprégnée d'adriblastine est implantée au sein du site d'exérèse puis la langue est recousue via des points simples au monofilament 2-0 Monosofe. A la fin de la chirurgie, du fait de l'exérèse de la masse, la langue présente une déviation de son extrémité.
Le chien est rendu sous anti-inflammatoire non stéroïdien (meloxicam), antibiotique pendant 8 jours. Le chien peut avoir une alimentation normale mais interdiction de jeux pendant 15 jours. Les propriétaires doivent s'assurer de la bonne utilisation de la langue notamment pour boire du fait de la déviation post opératoire.
Un contrôle à 1 mois est prévu au plus tard sauf comportement anormal du chien détecté par les propriétaires.
A J30, le chien est revu. Son comportement est normal, il mange et boit normalement et n'a plus aucun saignement buccal. Il n'y a pas de tuméfaction du nœud lymphatique rétro-mandibulaire gauche.
L'examen buccal révèle une cicatrisation complète de la langue et aucun signe de récidive. Du fait du processus néoplasique suspecté, le chien est laissé sous meloxicam pour limiter la récidive du phénomène.
Le chien présente une récidive 6 mois après la première intervention. cette récidive nécessite une amputation de la langue. le chien est suffisamment débrouillard pour se nourrir et boire malgré l'absence d'une grande partie de sa langue.
Pour limiter les risques de récidives qui cette fois ne pourront être régler par une chirurgie, un protocole de chimiothérapie métronomique avec du chlorambucile ( 2mg/m²/j) et du meloxicam (0.1mg/kg/j) est mis en place assorti d'une surveillance des grandes fonctions organiques.
Le chien se porte bien les 6 mois suivant cette nouvelle intervention sans présenter d'anomlie quelle qu'elle soit.